Mardi 14 mars, à l’École Supérieure d’Arts Clermont Métropole, se tenaient des rencontres sur le sujet de « la photographie au chevet des territoires en transition écologique ». Une occasion d’échanger sur des hypothèses et des projets visant à s’orienter collectivement vers la transition pour l’environnement.
La DATAR, « recréer une culture du paysage »
Raphaële Bertho, maître de conférence à l’université de Tours, présente un projet des années 1980, de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) aujourd’hui remplacée par le CGET. Cette organisation a décidé de lancer une mission photographique sur le paysage de la France. Au cours de 1984 à 1988, elle réunit d’abord 15, puis 29 photographes. Ils ont questionné et mis en image l’identité nationale, a travers les paysages français. Un projet qui vise à questionner le visible et l’invisible, comme le changement d’un paysage dans le temps. Ce qui a donné un premier aperçu de l’anthropocène. Il fallait enlever « le masque de charme », c’est-à-dire, montrer sans modifications ni mises en scène, l’environnement français. Qu’il soit naturellement beau ou modifié par l’homme.
L’anthropocène de plus en plus critiqué
L’anthropocène, est une époque géologique, qui se caractérise notamment par l’impact de l’activité humaine sur les paysages. C’est une preuve que la présence humaine a une incidence importante sur la nature, l’environnement, la planète. Ce nouveau genre de paysage se définit par un croisement de pensées des territoires, et les conceptions sociales et culturelles, lorsqu’il apparaît sur les photos. Raphaële Bertho parle de passage entre « le perçu et le vécu ».
Avec l’avènement du concept d’anthropocène, les photos ne sont plus vues comme des documents comme ce fut longtemps le cas. Ce sont maintenant de véritables œuvres qui servent aussi d’interprétation du passé, du présent et de l’avenir. Roland Barthes, sémiologue français, parle même de cela en utilisant les termes « ça a été » et « ça pourrait être ».
La photographie au service des études scientifiques
Florent Perroud est Architecte-urbaniste et photographe au CAUE Rhône Métropole. Il est aussi responsable de l’Observatoire photographique des paysages de la Vallée de la chimie. Cet Observatoire base son travail sur des photographies de cette vallée qui regroupe plusieurs types de paysages dans un espace limité. Il est donc intéressant d’étudier leurs évolutions en intégrant un volet communautaire dans ces recherches. Les scientifiques et les habitants de la vallée sont invités à choisir des photos de certains lieux qui seront pris en photos plus tard, et qui seront ainsi étudiés. Finalement, les deux groupes sont globalement d’accord sur environ 75 % des photos. Une preuve que les photographies sont une aide à la compréhension de tout le monde, scientifiques comme habitants.
La science portée par les émotions
Les photos permettent de voir l’évolution des paysages face au dérèglement climatique, face aux constructions des hommes. Elles permettent de rendre compte de l’impact environnemental des industries sur les territoires. Stéphane Cordobes, directeur général de l’Agence d’urbanisme Clermont Métropole, explique que les images sont des outils qui fonctionnement bien car elles font appel aux émotions.
Néanmoins, même face à une émotion positive, il est tout de même nécessaire de se demander quel est l’histoire derrière. Stéphane Cordobes prend l’exemple d’une photo de Saint-Pierre-et-Miquelon ressemblant à une carte postale . On y voit un paysage magnifique en bord de mer, mais qui est voué à disparaître. Il y a un enfant qui pêche, un enfant qui va devoir partir de son lieu de naissance car il ne sera bientôt plus habitable. C’est pourquoi il est parfois important de connaître dans quel média la photo a été partagée, cela peut changer l’objectif et le sens de l’image. Il nous demande aussi de faire attention à ne pas sortir des photos lorsque celles-ci font partie d’une série de photos. Les séries de photos font passer des messages que les photos, seules, ne peuvent transmettre.
La photo, aujourd’hui, peut devenir un support de prévention et de sensibilisation. Pour autant, la photographie a toujours aidé à se rendre compte de l’impact de l’homme sur son environnement. Néanmoins, aujourd’hui, la représentation du climat, pourtant invisible, et au centre de nombreux projets artistiques. La photographie reste un média culturel essentiel pour faire passer des messages. Stéphane Cordobes, explique même que ce genre de conférence sur l’art participe aussi aux efforts pour faire de Clermont-Ferrand la prochaine capitale européenne de la culture.
L’article La photographie au chevet des territoires en transition écologique est apparu en premier sur Le Connecteur.